Compte rendu meeting JL6

Voici le Compte rendu du meeting JurassicLabs 6 du 28 Mars 2018 qui s’est déroulé à Neuchâtel sur le thème : Liens Fablabs – Institutions d’enseignement

Développement de la journée

10h/ Liens Fablabs-Enseignement : le point de vue des enseignants

Intervention Carole Baudin

Le Fablab dans la formation ingénierie

Carole Baudin, professeure HES – Responsable du Groupe Conception Centrée Utilisateurs He ARC Ingénierie à la He-arc, a lancé cette journée en partageant son expérience du lien entre le secteur ingénierie de la He-arc et le Fablab-neuch. Pour restituer l’ingénierie en conception design elle nous a d’abord présenté une vidéo réalisée par son collaborateur et Fabmanager Gaëtan Bussy. Cette vidéo présente un projet d’implantation de caméra thermique dans des casques de pompiers. Ce travail a été réalisé avec des étudiants, des designers de la He-arc et de nombreux prototypes ont été réalisés au Fablab de Neuchâtel.

 

Carole Baudin partage ensuite son constat : « Le prototypage est malheureusement dénigré comme du bricolage au sein de la He-Arc ». Il a bien sûr de la conception poussée en modélisation 3D, mais la production de prototypes est ensuite externalisée. Mme Baudin a poussé l’intégration d’un cours de prototypage dans la formation. Il n’y a pas encore beaucoup de recul sur l’expérience pourtant elle est déjà ressentie comme une réussite.

 

« Toucher la matière, pourvoir tester rapidement c’est très important pour un concepteur » Carole Baudin et son équipe sont convaincues de la nécessité de ramener le prototypage dans la formation de leurs étudiants. « Allier l’œil et la main c’est déjà un concept chez le philosophe Gilles Deleuze. Les étudiants conçoivent pour les utilisateurs donc il y nécessité d’échanger autour de l’objet pour ne pas avoir que les représentations du concepteur » souligne-t-elle.

 

D’autres initiatives sont mises en places pour pousser les étudiants à prototyper, tel un workshop de deux jours dans le fablab pour réaliser un objet avec une entreprise.

 

Mme Baudin voit une logique corporelle retrouvée dans les espaces types fablabs. Ce qui saute aussi aux yeux c’est l’importance de l’échange au sein de cet espace entre managers, super-users et utilisateurs, il y a une dimension anthropotechnologique. De plus le réseau des Fablabs est un bonus pour travailler sur des projets plus larges.

 

En fin d’intervention Carole Baudin a proposé l’ouverture suivante,

Fablab : Intégration difficile dans les institutions, dans le domaine ingénierie, mais bénéfique.

 

Jérôme Mizeret, directeur du Fablab de Neuchâtel et Coordinateur R&D à la He-Arc, parle d’une bonne interaction sur le sujet des fablabs avec les professeurs de la He-arc, mais souligne les difficultés des enseignants à prendre l’outil fablab en main.

Il n’y a pas vraiment de suivi du nombre d’étudiants utilisant le fablab-neuch mais il y a une journée d’initiation obligatoire pour les élèves de première année comprise dans le programme.

 

Les participants ont cherché à déterminer quels étaient les freins à l’utilisation du fablab par les étudiants. Carole Baudin relève que les enseignants et les étudiants ont l’apriori que ce qui est fabriqué au fablab n’est pas assez qualitatif, pas assez solide pour servir de test.

Sur ce point, Antonio Iannaccone enseignant chercheur à l’Institut de psychologie et éducation de l’UNINE, fait le même constat. Il raconte son expérience lors d’une étude sur les écoles techniques à Sainte-Croix, les étudiants y rechignaient à utiliser le tour à plastique car ils voulaient travailler le « vrai » métal.

Le Fablab doit apparaître comme un endroit où on donne de la signification au produit avant d’être présenté comme un simple endroit de prototypage rapide. « Où se génère le sens ? Dans l’esprit et on l’applique au monde ? Non, de manière naturelle le sens se fait dans le faire, il faudrait pouvoir enseigner l’ingénierie élémentaire » ajoute-t-il, il fait aussi l’hypothèse les enfants qui rentrent dans un fablab ont plein d’idées, la difficulté c’est alors de rediriger cet esprit créatif vers un projet réalisable.

 

Richard Timsit, Fabmanager du fablab de Renens convient dans ce sens. Pour lui, on applique même une méthode inversée dans une fablab : on veut faire et on ne sait pas comment faire. Le fablab c’est un espace de transfert de savoir-faire et savoir-vivre, donc il possède une mission similaire aux institutions, mais la méthode est différente car le public est très différent, très varié. « On se prototype soi-même dans le fablab ».

 

Intervention Antonio Iannaccone

Les Fablabs aux bricoleurs

Pour M. Antonio Iannaccone, Enseignant en psychologie à l’Uni de Neuchâtel et « bricoleur dans l’âme », le bricolage lui a permis une autre approche de la psychologie.

Ayant mené beaucoup de recherches sur la créativité de l’enfant, il fait le parallèle entre le bricolage et la créativité des plus jeunes :

« Les enfants ont la capacité de reconstruire la réalité technique. L’imagination technique de l’enfant est formidable. Par exemple : dans le cas d’une tentative de fabriquer un avion, il ne vole pas ? Pas grave on le décors pour donner l’illusion que c’est un avion et on le bouge pour donner l’illusion du décollage ». L’analyse des ateliers qu’il a menés révèle que nous avons peur de notre créativité.

Pour Antonio Iannaccone le fablab est un lieu de la formalisation du savoir. Il pense que le fablab doit venir de l’informel, les gens doivent se sentir libre donc l’institutionnalisation de ces lieux peut produire un effet inverse néfaste.

« Commencer par apprendre les concepts théoriques avant la pratique est une mauvaise idée et les études le prouvent, mais l’école continue dans cette voie ».

Il ajoute : « Le tiers lieu est un magnifique espace où on est libre de faire, qui n’appartient pas qu’à une seule personne. Il faut que l’utilisateur se sente agent de la création, pas comme quand on apprend aux enfants de faire « bien » de pas « salir » donc ils font, mais pas selon leur envie, selon ce qui ne mène pas à une punition ».

On peut faire le parallèle avec les lego pour comprendre ce concept. Les enfants ne demandent pas comment on fait, ne lisent pas le mode d’emploi, ils se sentent engagés, ils aiment faire ça. Les bricoleurs modifient la réalité, ressentent un contentement, un pouvoir.

Pour finir Antonio Iannaccone rappelle que la créativité n’est pas innée, elle doit passer par la symbolisation de la réalité. Il faut de la culture de la création. Pour pouvoir créer il faut aménager cette culture.

 

L’ouverture portera sur :

La difficulté de libérer la créativité dans un milieu institutionnel

 

Gaëtan Bussy indique que le discours, employé au fablab-neuch face aux étudiants de certains cours test, est celui de la libération de la créativité : « allez-y, ce n’est pas grave si la machine casse, essayez ». Cependant cela ne suffit pas à débloquer les craintes des étudiants et c’est difficilement réalisable dans une cadre institutionnel.

Pour Carole Baudin l’enseignement est une boîte de lego dans laquelle il faut quand même lire le mode d’emploi car c’est nécessaire pour manipuler les machines, faire de la modélisation etc … On réserve des périodes d’ouverture du fablab-neuch pour permettre aux étudiants d’expérimenter. Le côté subversif du lieu est difficile à gérer.

Dans le fablab il y a quelque chose de pas soluble dans l’institution pour Richard Timsit. Il n’y a pas de hiérarchie. Il est important de considérer le fablab comme une structure différente de l’institution.

 

Intervention Hugues Jeannerat

Ouvrir le Fablab y rompre la hiérarchie, jeter des ponts.

Hugues Jeannerat, chargé d’enseignement et chercheur en géographie économique et en innovation à l’UniNE nous a proposé sa vision du lien fablab-institution.

Pour lui les liens inter-domaines sont très importants dans l’apprentissage, le fablab peut être un lieu de cette rencontre. Le plus gros problème est un problème de hiérarchie, cf l’ingénierie ne fait pas du « bricolage », et c’est la même chose chez les juristes et les économistes. Les étudiants veulent bien faire des choses, mais les faire venir vers le fablab n’est pas évident.

Pour M. Jeannerat le fablab est peut-être trop présenté comme un espace d’ingénierie, il faudrait abattre cette vision car ceux qui n’ont pas été dans ce domaine avant ne se sentiront pas investis ou engagés. Il faut jeter des ponts et abattre cette hiérarchie.

Le terme « lab » très en vogue actuellement défini un lieu qu’on a voulu externe aux laboratoires institutionnalisés, les fablabs ne sont donc peut-être pas des lieux à lier aux institutions.

Pour intéresser plus d’utilisateurs et d’étudiants Hugues Jeannerat propose par exemple que le fablab s’associe à des actions comme les Repaircafés.

 

Philipe Geslin professeur et anthropologue à la He-Arc apporte une précision à cette vision des fablabs. Ils sont en effet intéressants pour leurs côtés subversifs, pour leur enseignement par la pratique autour de ce qui permet de faire valoriser les savoirs des jeunes ingénieurs. Il y a aussi Les ONGs qui s’intéressent beaucoup aux fablabs, comment se les approprient-ils ? Le fablab ne peut pas échapper à l’institutionnalisation (ex shell a un fablab au Groenland). M. Geslin propose l’exemple du fablab d’Ouagadougou qui n’est pas un lieu de subversion, mais un lieu qui complète le manque de formation et de moyens institutionnels.

« Il faut se garder de n’avoir que la vision européo-centré sur l’utilité d’un fablab, même si bien sur le MIT est un lieu de subversion au fablab » fini-t-il par ajouter.

 

 

11h50/ Liens Fablabs-Enseignement : le point de vue des étudiants

Intervention Gwendoline Erard

Etudiante en Micro-nano technologie et électronique en 3ème année, Super-User du Fablab-neuch.

Gwendoline Erard a découvert le fablab dans le cadre d’un projet de réalisation d’un robot. Elle a apprécié le fait d’avoir plein de machines à disposition, mais surtout le partage avec des personnes présentes sur place lui a été précieux.

La formation obligatoire imposée par l’école est pour elle une bonne porte d’entrée pour découvrir le fablab mais n’a pas touché tous les étudiants de sa promotion.

Le fablab n’a pas forcément été très complémentaire de ses études, mais elle constate que des ponts se forment. Mlle Erard avait spontanément envie de s’investir dans le fablab et a effectué elle-même les démarche pour devenir utilisateur « super-user » et s’est investie dans des projets et animations au fablab.

Ce qu’elle gagne au fablab c’est de pouvoir co-créer de manière informelle. Comme Gaëtan Bussy le souligne alors, dans le cas de Gwendoline Erard on remarque bien que c’est l’envie qui fait pousser la porte du fablab, pas d’obligation, pas de contraintes.

Intervention Andréas Lazzarotto

Ancien étudiant Ingénieur conception à la He-Arc et Master Innokick.

Andréas Lazzarotto a présenté le projet du pléco[1] réalisé avec le domaine conservation-restauration, ingénierie et le fablab durant et après son Bachelor à la He-arc.

M.Lazzarotto s’est penché sur la problématique du développement de pompes dans la même philosophie que le pléco, à savoir opens source et réalisable dans un fablab. Il en retire trois constats :

  • la réalisabilité dans un fablab, pour peu de moyens on peut faire beaucoup de tests qu’il n’aurait pas pu faire dans de grands laboratoires institutionnalisés.
  • La co-conception avec l’utilisateur était rendue plus facile et rapide
  • Le produit final offre un rendu appréciable avec du matériel très basique et à bas coût.

Le fablab reste pour lui un point d’accroche un an après le Bachelor pour ce type de projet et d’autres. Le développement du pléco est toujours en cours. Les échanges non formels entre utilisateurs sont toujours très importants pour lui.

 

Andréas Lazzarotto affiche être membre actif d’un fablab dans son CV. Cette mention attire toujours la curiosité des employeurs qui ne connaissent généralement pas le concept, c’est une porte d’entrée pour lui de valoriser des compétences et présenter des projets pour illustrer ses propos. Cependant il insiste sur le fait que de signaler la maîtrise d’une machine n’est pas intéressant pour les RH sans parler des projets que cela a permis de créer.

 

La méthode de conception du pléco réalisé au fablab est pour M. Lazzarotto devrait être selon lui tout à fait normale pour la discipline de conception-ingénierie. Le côté subversif de ce projet, car open-source et non marchand n’est pas quelque chose qui résonne aux oreilles des entreprises, mais les compétences acquises sont, elles, tout à fait projetables sur d’autres types de projets.

 

14h00/ Liens Fablabs-Enseignement : le point de vue FabManagers

Intervention Gaëtan Bussy

Jeter les ponts entre différents domaines.

 

Gaëtan Bussy Fabmanager au Fablab de Neuchâtel s’intéresse au point de vue du fablab comme carrefour de différents domaines. Il cite en exemple une équipe d’ergo-thérapeutes de l’hôpital de Neuchâtel venu pour une visite des locaux. Les échanges étaient très riches et les envies de réalisations de projets et d’expérimentation étaient nombreuses. La barrière pour cette équipe était le temps d’investissement nécessaire pour acquérir les compétences et mener les expérimentations. M. Bussy fait donc le constat de demande de projets intéressants dont les équipes manquent de compétences à proximité d’une école fourmillant d’étudiants et d’utilisateurs du fablab qui possèdent ces connaissances. La question lui vient tout naturellement de savoir si le fablab ne pourrait pas être cette structure intermédiaire entre ces deux interlocuteurs.

Des expériences de projets de ce type ont été testées dans le cadre des cours des étudiants de la He-Arc, mais il est bien évident que c’est la motivation de l’étudiant qui sera le moteur du projet, cf. l’intervention de Gwendoline Erard.

Olivier Lamotte Ingénieur de recherche de l’UTBM implémente la réflexion en citant un projet en cours à l’UTBM. Il s’agit de monter des équipes pluridisciplinaires d’étudiants autour de projets d’entreprise avec un calendrier et un financement plus souple que les projets institutionnels habituels, le tout serait accueilli par le CrunchLab, le laboratoire d’expérimentation de l’UTBM.

Alain Doll, président de l’Y-Fablab d’ Yverdon-les-Bains, retient l’importance de mutualiser les compétences, il souligne qu’il existe déjà des plateformes de compétences pour associations, mais qu’elles pourraient être retranscrites pour les fablabs.

Fabien Degoumois, adjoint scientifique HES-SO dans le Master Innokick, alerte sur les tentations des entreprises à instrumentaliser les étudiants.

 

Intervention Richard Timsit

 

Richard Timsit est Fabmanager à Renens, anciennement employé à l’EPFL où il regrette ne pas avoir vu de fablab émerger.

Il constate une certaine difficulté à faire venir les étudiants alentour au Fablab de Renens. Il prône une richesse par la diversité des publics, en termes d’âge, d’expériences professionnelles etc. dans ces tiers-lieux.

Ses utilisateurs viennent pour la plupart réparer un objet lambda puis découvrant les projets en cours s’investissent sur d’autres objectifs.

Dans son tiers-lieu il compte des animateurs d’espace, des supers user, mais surtout, dans ses termes, des « super-usés » car comme le souligne-t-il : « ce travail d’animation de motivation des utilisateurs à leur faire partager les compétences c’est extrêmement usant. Ce travail devient presque militant »

L’objectif pour M.Timsit c’est de « Fabriquer le désir d’y venir », il s’attèle à montrer la nature des projets qui y sont développés et comment ils sont développés.

Sur la question du lien avec les institutions Richard Timsit recommande de créer d’abord une interface avec les institutions pour imaginer ensuite pouvoir lier écoles et fablab.

 

Hugues Jeannerat voit dans cette intervention une convergence entre les discussions du matin et de l’après-midi. Il faut changer d’abord l’institution pour la mettre en lien avec le fablab remarque-t-il, mais le fablab va aussi plus loin avec sa propre communauté.

 

Intervention Daniel Schlegel

Daniel Schlegel, enseignant chercheur à l’ESTA où un projet d’ouverture d’un fablab est en cours nous partage son point de vue. Il fait le constat que les compétences sont manquantes chez les étudiants, la plupart ont peur de « mettre les mains dans le cambouis ». Pour combler ce manque il faudrait procéder à une pédagogie inversée d’où le projet d’un fab-fablab un atelier pour construire les outils d’un fablab.

Jean-Claude Ferrier, Responsable de la filière Industrial Design Engineering à la He-Arc fait remarquer que de plus en plus l’apprentissage se fait autour de projet, on jette les étudiants dans le grand bain avant de forcer de la théorie, ce qui permet d’estomper les différences entres les esprits ouverts aux méthodes classiques, et les pros méthodo-classique.

Il faut accepter néanmoins que les étudiants ne sortent pas avec le même des bagages en fonction des projets qu’ils ont suivis.

Olivier Lamotte note bien que les structures types fablabs sont nombreuses et proches aux alentours de Belfort, il n’y voit pas là une menace de concurrence car il constate que les modèles et les orientations de chaque structure sont bien différents.

 

 

15h30/ CrunchTime[i]

 

Présentation par Olivier Lamotte

 

« Réunis en un même lieu, pendant 4 jours et par équipes pluridisciplinaires, 1600 élèves ingénieurs de niveau Bac à Bac+5, traiteront des sujets d’innovation confiés par des entreprises partenaires, des startuppers, des collectivités, des laboratoires… Les étudiants apporteront un regard neuf et formuleront des propositions de solutions innovantes donnant ainsi un véritable coup d’accélérateur aux projets. »

 

Les retombées pour les étudiants et les industriels pour l’édition 2017 sont allées au-delà des attentes initiales.

Pour l’édition 2018 du 22 au 25 mai, dont on attend environ 1750 étudiants participants, Le CrunchTime accueillera des Fablabs.

Les différentes missions des fablabs participants seront les suivantes :

-Apport de matériel

-Animation Fablab

-Présentation aux partenaires

-Aide aux étudiants

 

Olivier Lamotte a donc échangé avec les participants volontaires pour préparer cet événement et répondre à leur question.

16h00/ Annonce du prochain JurassicLabs

Le prochain JurassicLabs aura lieu pendant le CunchTime. Il portera sur le thème : Fablab et industrie.

Il se déroulera en deux parties, le mardi 22 mai après-midi et le mercredi 23 au matin.

Le programme sera envoyé à tous les membres du JurassicLabs prochainement

Wrap up

Résumé de la journée par Jérôme Mizeret

  1. Les FabLabs peuvent souffrir d’un risque de défaut de crédibilité. Prototypage est souvent associé à « bricolage ». C’est la question du sens qu’on donne aux produits. Il faut donner du sens au prototype et à l’action de prototyper. Autre question : est-ce que le mot prototype est adéquat ? Les FabLabs sont aussi, vu de l’extérieur, réduits à des « outils pour les ingénieurs » ; les autres actions des FabLabs sont mal connues.
  2. Une réponse à opposer à ceci est que le prototypage est le cœur du processus créatif, et est donc d’une très grande valeur. En outre, pour les institutions de formation, le prototypage est à la fois celui de l’objet, mais aussi du futur diplômé lui-même qui exerce (au sens de s’entrainer) ses futures capacités (qu’elles soient techniques ou non) à blanc, avant de les exercer (au sens d’accomplir) dans ses futures fonctions dans la société. Dans un FabLab, « on se prototype soi-même ».
  3. La connaissance peut être perçue comme une réflexion sur le faire. Tout d’abord, il faut se rappeler que l’intelligence est quelque chose de pratique et qu’un apprentissage trop strict tue la créativité et l’innovation ; il faut donc trouver un équilibre entre connaissance formalisée et imagination libre. Ensuite, l’engagement de l’apprenant est essentiel ; or apprendre « à bien faire » peut tuer l’engagement et l’émotion forte associée au plaisir de découvrir. Enfin, dans tout processus créatif, l’esthétique est une caractéristique centrale.
  4. Le FabLab contribue à rétablir ces équilibres, grâce à l’abolition de la notion de hiérarchie (le prof qui sait, les autres qui écoutent), le processus d’apprentissage inversé (projet, découverte). Il offre aussi une réponse à la question de la temporalité: au FabLab, on apprend et on fait en même temps.
  5. Le partage des compétences, l’ouverture à l’interdisciplinarité, à l’interdomaine, etc. est aussi une caractéristique forte des FabLabs : casser les murs, physiquement et dans les têtes.
  6. Attention toutefois à un écueil : le risque d’instrumentalisation des étudiants par les entreprises. Ou de récupération de projets par des personnes qui ne contribuent pas. Les FabLabs, et tiers-lieux en général, doivent aborder les aspects juridiques liés à l’open-innovation.
  7. Enfin, une façon d’améliorer les interactions entre FabLabs et institutions serait d’augmenter l’engagement des étudiants dans les activités du FabLab, autre que simplement venir imprimer ou prototyper. Il peut s’agir d’aider le fabmanager, développer des machines open sources, etc. Pour que l’étudiant y trouve aussi son compte, il faudrait envisager un système de crédits pour ces activités.
  8. Enfin, si dans un FabLab on ne fait pas de marchandise, on crée néanmoins de vrais produits (exemple du Pleco et la pompe), conçus avec l’utilisateur final au centre du processus, et surtout conçu comme « produit ouvert», c’est-à-dire qui continue à évoluer au cours de son utilisation et au gré de ses utilisateurs et de leur contexte.

[1] http://www.fablab-neuch.ch/pleco/plus.php?id=1

[i] http://innovation-crunch.utbm.fr/concept/